Il faut que j’en parle. Il faut que je le dise. Pas
vraiment pour témoigner. Pas vraiment non plus pour servir d’exemple. Mais il
faut que je le dise, pour moi, pour LUI, pour nous. Parce que c’est sans doute
la pire expérience médicale que j’aie eu à vivre ces quatre dernières années. La
plus humiliante aussi et paradoxalement, à terme la meilleure des décisions que
j’ai prise.
14 janvier 2016
10 janvier 2016
Aider c'est apporter de la joie
Selon sa racine latine, "aider c’est apporter de
la joie" nous explique le linguiste Alain Rey. Oui, nous, aidants,
apportons de la joie à nos proches. La joie qu’ils ont de ne pas finir leurs
jours dans la solitude, de ne pas se sentir abandonnés, la joie de leur main
dans la nôtre, la joie d’exister encore dans nos regards, d’être considérés, de
ne pas perdre l’estime d’eux-mêmes dans ce don de soi à l’autre.
1 janvier 2016
Bonne Année 2016
Nous avons cette année 366 jours pour changer le regard
de la société sur les aidants. Quelle chance!!!
Je nous souhaite de trouver la force de continuer
chaque jour à prendre soin de nos proches, la patience pour supporter tous les
aléas de nos vies bousculées, un peu de sérénité au quotidien, du temps libre
pour reprendre le contrôle de nos vies et prendre soin de nous et surtout assez
de clairvoyance pour savoir dire stop quand il le faut.
22 septembre 2015
Lettre à l'Association Française des Aidants
Chère Association Française des
Aidants
Si je
t’écris aujourd’hui c’est parce que ton tweet de l’autre jour m’a pas mal
chahutée. Reprenons les faits si tu le veux bien :
Le 29 aout
dernier, un samedi, à 12h50 tu
twittais :
« les
#aidants ne sont pas des soignants mais des conjoints, des parents, des
enfants »
C’était je
crois dans le cadre de l’Université d’été de l’ANAP, les débats portant sur la
contribution des usagers et des citoyens à la performance de notre système de
santé. Belle idée la performance, dans l’air du temps. Performance et
rentabilité devenues par force les mamelles d’une société dans la tourmente
d’une crise financière mondiale. En
faire plus avec le moins de moyens possible, optimiser le temps, rentabiliser
l’humain. La santé c’est bien connu n’a pas de prix mais elle a un coût, et la
société exige de ses membres qu’ils soient tous performants, rentables et en
bonne santé. Mais on s’éloigne du sujet. A ton tweet lapidaire j’ai répondu par
un autre tweet, non moins lapidaire :
« Pas
soignants mais plus que conjoints, parents ou enfants : des #aidants
quoi !!! »
La colère
ne transparaît pas dans un message de 140 caractères, à moins de l’écrire en majuscules ou d’y adjoindre force émoticônes, mais j’ai passé l’âge des
smileys, et j’aime la sobriété, alors je me suis contentée de ces trois points
d’exclamation. Mais quand même, j’étais en colère alors je développe, ici, chez
moi, dans ce qui est devenu MON espace. Laisse-moi t’expliquer chère
Association ce que ton tweet a déclenché chez moi et pourquoi.
6 mai 2015
Guide du voyageur en Hortensie
Salut, toi, voyageur aventureux. Que tu
sois intrépide ou inconscient, voici pour toi un petit manuel de survie en
territoire hostile. Tu as dans ton entourage un membre de la famille ou un ami
qui commence à voyager dans sa tête et tu souhaites l’accompagner dans cette
périlleuse aventure ? Tu vas devoir pour cela être imaginatif, tolérant,
endurant et posséder un solide sens de l’humour.
Tu vas devoir dans un premier temps oublier
tout ce que l’on a pu te dire sur ce pays si étrange. Aucune expérience n’est
identique, aucun voyage ne part du même endroit, ne traverse les mêmes contrées
ni se termine de la même façon.
26 avril 2015
Tomber encore, se relever toujours
Il a baissé
les bras, moi pas. C’est mon rôle de ne pas baisser les bras, de les garder
forts, serrés autours de lui. Pour le protéger des autres, le protéger de lui
aussi.
Tomber
encore, se relever toujours
Il s’est
relevé. Il a recommencé à rire et à danser. Doucement, prudemment. Il se plaint
encore un peu, pour la forme, pas perdre l’habitude. Mais il ne pleure plus.
Tomber
encore, se relever toujours
Pour les
soins il faut l’apprivoiser, et recommencer. Lui demander si on peut, et puis
recommencer. Lui expliquer ce qu’on allait faire, et puis recommencer.
S’assurer qu’il comprenait, qu’il adhérait, qu’il coopérerait et puis le
lendemain… recommencer
Tomber
encore, se relever toujours
On s’est organisé
autrement, on s’est recentré sur nous. On n’a
écouté personne. On a éteint la télé. On a mis la musique. On a supprimé les
mots, les paroles. On a écouté nos instincts, la parole des corps.
22 avril 2015
le voyage
Enfin !
Prête
pour le départ !
Les portes ne sont pas encore ouvertes. J’ai hâte de pouvoir monter. Ca
fait si longtemps que j’attends ce moment.
Les jeunes d’aujourd’hui sont impatients à l’approche de leurs
vacances, qu’ils prennent pourtant régulièrement : « Je suis fatigué,
je travaille trop » « j’ai une mauvaise tête »…
Et moi, qu’est-ce que je devrais dire…. Je ne me souviens pas de mes
dernières vacances.
J’ai froid. J’ai un châle sur mes épaules. J’espère que là-bas, il fera
bon.
Je suppose que oui, je ne connais personne qui n’ait pu me raconter son
voyage.
J’ai hâte de revoir Papa, Maman et mon Paul bien sûr. J’espère qu’ils
vont bien, il n’y a pas encore le téléphone là-bas. Alors l’image a l’écran,
comme avec mes petits enfants, ce n’est pas pour demain.
16 avril 2015
Lettre à la production de l'émission "Toute une histoire"
Mi-avril, la production de l'émission "Toute une Histoire" lançait un appel à témoins destiné aux conjoints de personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer.
Suite à cet appel, nous avons collectivement écrit une lettre à la production de l'émission afin de lui faire part des réactions qu'il a suscitées.
Madame ;
C’est dans
le cadre de l’appel à témoins sur les conjoints de malades souffrant de la
maladie d’Alzheimer que je vous réponds. Je fais partie d’un groupe d’aidants
et nous échangeons sur un forum sur les différentes thématiques concernant les aidants
dits naturels. Or votre présentation nous a émus et a suscité bon nombre de
réactions dans notre communauté.
Tout d’abord
nous tenons à vous remercier de nous donner aussi régulièrement la parole. Nous
sommes en France 8.5 millions d’aidants et nous souffrons de l’invisibilité
dans laquelle nous maintiennent les pouvoirs publics et les médias. Nous
reconnaître collectivement n’est pas seulement un acte citoyen ou solidaire
mais c’est aider ceux qui récemment concernés par la problématique, peinent à
s’identifier comme tels, et restent isolés et peu informés. Des dispositifs
existent, alors que les aides et les
solutions restent sous-utilisées par manque de connaissance du public concerné.
Nous suivons
régulièrement vos émissions et savons
qu’elles rencontrent une large audience. Ces derniers mois nous avons noté que
vous aviez invité sur votre plateau des familles qui se sont occupées d’un
proche malade. Or à aucun moment, n’a été prononcé le terme d’AIDANT. C’est
sous cette dénomination commune que nous nous reconnaissons. Pas seulement
fils, fille ou conjoint de.. mais AIDANTS de… Sans cette dénomination commune
point de reconnaissance, c’est un fait établi. Or trop souvent, les aidants
tardent à s’identifier et s’isolent ou courent à l’épuisement. S’ensuit alors
une cascade de réactions en chaîne, conduisant le plus souvent à l’entrée en
institution du proche aidé, alors qu’avec un soutien adapté et une prise en
charge globale, cette institutionnalisation aurait pu être évitée ou au moins
différée.
8 avril 2015
J'ai froid!!!
« Ha mais la
sale nuit !!! 3ème café, 2ème clope avant 7h… Dis, tu la
sens la mauvaise journée? »
J’ai commencé la journée comme ça, par un tweet.
J’ai commencé la journée comme ça, par un tweet.
Réveillée toutes les 1h20, soit 80 petites minutes, la sale nuit quoi...
Il est assis sur le canapé et se plaint en boucle :
- J’ai
froid
Avec le temps j’ai compris que le « J’ai froid » est un
terme générique mis pour toute sensation désagréable. Faim, soif, douleur,
anxiété, peur du rien, ce temps mort où rien ne se passe pour lui et que je
tente de meubler comme je peux. Il se plaint et je ne sais pas pourquoi. Je ne
sais pas ce qu’il a et c’est déroutant. Je l’aide à enfiler un gilet: froid -->, c’est bon.
Direction la cuisine. Le café au lait, le porridge au micro-onde: faim et soif -->
en cours. Je donne à manger aux chats
avant qu’ils ne réclament. Splouch… Je viens de voir le gilet sortir du salon,
sans mon bonhomme dedans. Ok, il n’a pas froid. J’aurais
essayé. De toute façon, depuis près d’un mois, je participe dangereusement au
réchauffement climatique en laissant le chauffage allumé. Je ne devrais pas, je
sais, mais il ne supporte plus un vêtement sur le dos et se balade torse nu.
Alors on chauffe encore…
31 mars 2015
24 heures dans la vie d'un aidant
Je suis l’aidant familial de mes parents
Voici 24 heures de mon quotidien
Pour simplifier,
j'appellerai mon père Pa et ma mère Ma
Je suis tout juste rémunéré au minimum légal grâce aux 2
APA. Le jour ou l'un des deux partira, le salaire sera divisé par 2, pour
quasiment le même travail, sur la même durée.
Pour certains, je n’ai pas à me plaindre, car je suis payé
à rester chez moi et je n'ai pas besoin de vacances (??) « Ha !
2 années sans avoir pris ne serait-ce qu’une semaine… ( ??) »
Ma est beaucoup plus dépendante, plus fragile et 10000 fois plus câline que Pa.
Vous remarquerez
donc, une attention plus soutenue de ma part avec Ma. « Oui Sigmund, je sais ! »
Cela ne change rien
à l'amour et mon attention envers Pa.
Il le sait et s'en contente royalement.
Au menu :
Maladies
neurodégénératives, cancer cutané, cancer lymphatique, manque d'équilibre,
diabète, hyper-tension, plus de 40 ans
d'acouphènes et grand âge.
26 janvier 2015
Kat et le lutin
Dans la caboche de Kat, quelle tuile!!!
Gâchant une journée qu'elle espérait féconde
Ce qui l'enrageait et la rendait furibonde
Puisque de Facebook, elle n'obtenait aucun secours
Que des câlins, des bizoux et des mamours
Ce qui est agréable quand l'humeur n'est pas à la fête
Mais fort peu suffisant quand on a mal à la tête
Réclamant à grands cris une hache et son bourreau
Afin qu'on l'étêtât illico presto
Elle reçut l'offre d'une tronçonneuse
Qu'une amie compatissante mais d'humeur farceuse
Mettait à sa disposition
En guise d'extrême-onction
Mais elle dût refuser le cadeau
"Mes voisins vont grimper aux rideaux"
Se dit-elle préférant une manœuvre
Plus simple à mettre en œuvre
Plus rapide et surtout moins définitive
Qu'une tronçonneuse, puisqu'elle était rétive
A la moindre tâche de sang ou salissure
Ne voulant aucune éclaboussure
18 janvier 2015
Hortense, magellan et les extra-terrestres
"Il passe un cap" a dit le médecin. Magellan a largué les amarres, Hortense a gardé la boussole mais c'est moi qui suis perdue.
Mais où on va là? Pour combien de temps? Je ne reconnais rien de ce que je sais de la démence. A chaque réveil il est perdu et tout est à recommencer. Plus d'automatismes, rien, une page vierge. Tout l'agresse, chaque bruit, même le plus familier, est hostile. La moindre caresse lui est douloureuse. Chaque geste du quotidien est à réexpliquer, calmement, à voix basse, avec peu de mots, bannir les longues phrases, expliquer ce que l'on va faire, geste après geste, pas à pas. Capter dans son regard l'assentiment, la compréhension ou à défaut la présence. Obtenir sa coopération devient illusoire, il ne maitrise plus ce corps qui devient un ennemi encombrant, mais s'oppose quand on devient trop directif. Chaque acte, même le plus banal, peut déraper en une fraction de seconde et tout est à refaire. Il peut me hurler dessus et la minute d'après me prendre dans ses bras et me remercier comme si je venais de le sauver de je ne sais quelle noyade.
Ô mon beau Magellan, dans quelle mer lointaine t'aventures-tu?
Et après ce cap, quel écueils nous attendent?
Je suis perdue
Il est perdu
Nous sommes perdus
.
.
.
Tout est perdu.....
21 novembre 2014
Vous savez quoi? J'en ai marre...
Un billet d'humeur publié en novembre 2014 dans le cadre des 1ères rencontres francophones sur le répit des aidants.
repris ici, ici et ici
repris ici, ici et ici
Vous savez
quoi ? J’en ai marre. Marre de tous ces grands théoriciens du «care», marre de
ces rencontres, colloques, tables rondes, débats. Fatiguée de lire ces
programmes creux, ces comptes rendus stériles. Fatiguée d’entendre parler DE
moi sans qu’à aucun moment on ne m’ait parlé A moi. A aucun moment je ne me
suis reconnue dans aucun des portraits qui sont faits des aidants. A aucun
moment je ne me suis sentie concernée par aucune des solutions de répit
proposées.
26 octobre 2014
Hortense et les lapins
L’hiver
dernier, je regardais les multiples reportages relatant les dégâts de l’érosion
sur nos côtes. Rien ni personne ne sera plus fort que la mer quand les nuits de
tempête elle grignote des bouts de terre. Parfois même, à l’occasion de forts
coefficients, ce sont des pans entiers de terrains qui sont engloutis, emportant
maisons et constructions que l’humain, dans un excès d’optimisme avait eu l’audace
de poser là.
Chez
Majesté, c’est pareil. Par périodes, ce sont des pans entiers qui s’effondrent,
engloutissant ce que j’avais patiemment retricoté dans un excès d’audace et d’optimisme.
Hortense est gourmande. Parfois elle grignote gentiment mais parfois elle
dévore à grandes bouchées voraces. Aucune digue ne saurait contenir son
insatiable appétit. Alors, inlassablement je reconstruis plus loin, plus
solide, jusqu’à la prochaine tempête. Quelques petits mots, un geste ou deux. C’est
un combat perdu d’avance et j’en suis consciente mais ces petits mots sont
autant d’amarres qui le rattachent à l’humain qu’il est encore.
Maintenir à tout prix les visites des amis et de la
famille, l’aide à rester l’être sociable qu’il a toujours été, c’est amusant
comme Hortense se fait discrète en présence d’invités. Et puis cela nous permet
d’anticiper sur ces visites. Se remémorer qui vient, regarder des photos pour
faire le lien entre un prénom et un visage, remettre du sens sur tout cela,
préparer un gâteau, insister sur le fait qu’il doit rester habillé, lui demander
de faire cet effort, pour la personne qui va venir. Apprendre, réapprendre à se
contenir, anticiper sur ce plaisir de revoir cet ami, perdu de vue depuis de
longs mois, tout cela peut nous occuper quelques heures et éloigne Hortense,
elle qui n’aime pas les visites.
24 septembre 2014
Les orages d'été
Dimanche matin, 6h il est réveillé, week-end ou pas,
c’est la vessie qui commande. Bon, ben y’a plus qu’à… Les chats campent déjà
devant la cuisine. Eux non plus ne connaissent pas de fin de semaine…
Mettre l’eau à chauffer pour le café, nourrir les fauves, tous ces petits
gestes matinaux qui rassurent... Pffff hier à la télé ils avaient dit qu’on
pouvait dormir une heure de plus ouais ben… les chats, mon bonhomme et sa
vessie, ils devaient pas être au
courant.
On sirote notre café au lit, en silence. Enfin JE sirote parce que loulou, lui, il boit ça comme une purge, d’un trait. La modération, connait pas. Et il me tend sa tasse vide d’un air satisfait. Il a encore une goutte de café au lait qui lui coule du menton. Va pas me tacher les draps propres, je l’essuie avec mon doigt.
6h15 cafés bus, on fait quoi maintenant ? Allez mon loulou on va essayer de se rendormir un peu, hein… lumière éteinte, couette remontée jusqu’aux oreilles, je ferme les yeux. Et là ça commence. La jambe droite qui s’agite, le genou qui me remonte dans le dos. Je pose ma main sur sa cuisse, contrôle mon gars, contrôle. Je perçois un début d’agacement dans son soupir. Oh discret au début, un soupçon. Il se tourne sur le dos et m’embarque la couette au passage. Je m’accroche bien un peu, pour la forme mais je sais que c’est foutu. Il ne se rendormira pas et moi non plus.
On sirote notre café au lit, en silence. Enfin JE sirote parce que loulou, lui, il boit ça comme une purge, d’un trait. La modération, connait pas. Et il me tend sa tasse vide d’un air satisfait. Il a encore une goutte de café au lait qui lui coule du menton. Va pas me tacher les draps propres, je l’essuie avec mon doigt.
6h15 cafés bus, on fait quoi maintenant ? Allez mon loulou on va essayer de se rendormir un peu, hein… lumière éteinte, couette remontée jusqu’aux oreilles, je ferme les yeux. Et là ça commence. La jambe droite qui s’agite, le genou qui me remonte dans le dos. Je pose ma main sur sa cuisse, contrôle mon gars, contrôle. Je perçois un début d’agacement dans son soupir. Oh discret au début, un soupçon. Il se tourne sur le dos et m’embarque la couette au passage. Je m’accroche bien un peu, pour la forme mais je sais que c’est foutu. Il ne se rendormira pas et moi non plus.
22 septembre 2014
Lettre à Hortense
Depuis un moment, j'entretiens une conversation avec Hortense la colocataire de mon Loulou, celle qui loge dans sa tête. Tout le monde aura reconnu sa démence mais moi j'ai préféré lui donner un nom, pour me la rendre plus familière.
Chère Hortense ;
Chère Hortense ;
Depuis que tu
as établi tes quartiers dans la tête de
mon bonhomme, on peut dire que ma vie a singulièrement changée. Elle n’était
pas si extraordinaire que ça ma vie d’avant
mais étrangement, c’est son apparente banalité qui en faisait tout le charme.
Pourtant, on ne t’a pas vue arriver. Tu t’es faite discrète au début. Farceuse,
tu lui volais son chemin pour qu’il se perde, puis tu cachais ses affaires pour
qu’il les cherche sans les voir, puis petit à petit tu lui as volé ses mots,
son rire. C’est là que je me suis rendu compte de ta présence. Il n’a pas fallu
longtemps pour qu’une IRM te débusque et que l’on se rende compte que tu
t’étais déjà installée partout. Et puis rapidement tu as pris tes aises et tu
as montré ton vrai visage. Tu l’as privé
de ses mains, de sa voix. Tu l’as fait marcher jour et nuit, se perdre aux
quatre coins de l’appartement. Mais lui prendre tout ça ne t’a pas suffi, tu es
une colocataire exigeante, Hortense. Il
te le faut tout entier, et pour toi seule.
21 septembre 2014
Notre histoire: en guise de préambule
C’est l’histoire d’un homme et de son virus, de leur
rencontre il y a un peu plus de 20 ans à l’époque où dans ses veines couraient
1000 chevaux blancs. C’est l’histoire d’un homme libre qui a refusé les
étiquettes. De séropositif il n’a retenu que le positif, de mort vivant il n’a
retenu que le vivant. Un suivi épisodique, pas de traitement, prendre des
médicaments pour éviter d’être malade lui semblait relever de l’ordre du
pléonasme. Non, lui, il voulait continuer à rire, chanter, danser dans le
soleil et aimer. Surtout aimer. Aimer la vie, même avec son hôte indésirable.
Un passager clandestin discret au début,
presque absent. Mais le pathogène est un malin. Le diabolique a fini par
prendre la tour de contrôle en otage, considérant le corps comme un véhicule
subalterne tout juste apte à lui fournir de quoi survivre.
Eté 2011, les premières manifestations apparaissent.
Trop tard le mal est déjà fait. Une IRM ne fait que confirmer les lésions. La
ponction lombaire ne révèle aucun autre agent pathogène, c’est bien le VIH
l’unique responsable. Nos contacts avec les médecins sont (déjà) difficiles,
teintés d’incompréhensions mutuelles. Pour les blouses blanches, il était
l’inconscient qui n’a eu que ce que sa négligence méritait et moi, sa complice
consentante, je devais me contenter d’avoir encore des yeux pour pleurer à
défaut de n’avoir su les ouvrir à temps. Durant
une brève hospitalisation au cours de laquelle le seul soin qu’il reçoit
quotidiennement est la sacro-sainte trithérapie, ce miracle chimique sensé
mettre le virus en mode « ta gueule », je fais le siège du bureau de
l’interne qui me regarde de haut, me tient dans l’ignorance dédaignant mes
questions. Le savoir est sa richesse, il n’entend pas la partager. C’est mon
zouave lui-même, qui un dimanche midi, dans un réflexe de survie, leur a
signifié de façon péremptoire « je veux rentrer chez moi » après
avoir méthodiquement saccagé le bureau des infirmières, balancé son plateau
repas à la tête de l’aide-soignante qui le nourrissait, oui nourrissait parce
qu’il n’y a pas d’autre terme à l’indigne façon de faire avaler à toute vitesse
cette bouffe infâme, cette bouillie prémâchée, prédigérée, en lui intimant
l’ordre de se dépêcher… après ce coup de semonce affolement du corps médical,
course effrénée dans les couloirs, là ils ont su m’appeler, là je redevenais
quelqu’un alors que depuis 10 jours on me faisait bien sentir que je n’étais
personne.
21 juillet 2014
Des aidants en manque de reconnaissance
« Plus
que d’argent ou d’un réel statut les aidants ont avant tout besoins de
reconnaissance » écrivait Serge Guérin dans une de ses tribunes. Or si
l’on s’attache un peu à la sémantique je dirais que pour qu’il y ait
re-connaissance, il faut avant tout qu’il y ait connaissance.
J’ai
eu tout le loisir de constater ces derniers mois le manque de connaissance que
M et Mme Tout-le-monde avait des aidants. Il y a peu, une vaste opération de
recensement avait lieu dans mon quartier. La préposée de la mairie s’est
proposée pour m’aider à remplir le formulaire. A la question :
« Exercez-vous une activité professionnelle ? » J’ai répondu par
la négative. Ce qui a donné lieu à un dialogue surréaliste puisque n’étant pas
non plus demandeur d’emploi, ni retraitée, ni mère au foyer, aucune des cases à
cocher ne correspondait à ma situation. Voilà, je n’entrais dans aucune case.
30 mai 2014
Parce qu'il faut que cela soit dit
En France,
les 164 milliards de notre contribution informelle font encore débat. Mais
pourquoi? Pourquoi ne pas se mettre d'accord une bonne fois pour toutes sur le
nombre d'aidants en France? Pourquoi ne pas se mettre d'accord sur leur
dénomination? Aidants naturels, aidants informels, aidants familiaux, aidants
bénévoles, aidants accompagnants... 8.3 millions d'aidants pour les uns, 4
millions d'aidants de personnes âgées de plus de 60 ans dont un million
d'aidants "lourds" pour les autres. A chaque fois on nous divise, on
nous minimise. 1 millions d'aidants lourds fâcheraient-ils moins que 9 millions
d'aidants? Nos dirigeants, en établissant cette barrière de l'âge croient-ils
établir une barrière entre aidants? Encore une fois, les aidants sont
considérés non pas en fonction du soutien qu'ils apportent mais en fonction de
la pathologie de leur proche. France Alzheimer, La Ligue contre le Cancer,
France Parkinson... chaque grande association parle à SES aidants, édite des
plaquettes à leur attention et cible les recommandations. Le risque de dérive
étant que plus la maladie de votre proche est rare et moins vous trouverez de
soutien ou de conseils adaptés.
4 février 2014
Cancer: Personne ne parle de ceux qui aident les malades
A l'occasion de la Journée Mondiale contre le Cancer 2014, Jean-Louis publiait ici son témoignage d'aidant:
Je suis un
récidiviste, donc ça aide. Il y a 15 ans, j'ai accompagné ma première femme
jusqu'à son dernier voyage. A l'époque, je ne savais rien du mot
"aidant", ce que suppose d'être l'aidant de son conjoint malade du
cancer, et ce que cela pouvait impliquer.
Quand ma
seconde femme a été diagnostiquée du cancer, il y a six mois, je n'ai ressenti
aucune peur, j'ai pensé à elle ET à moi, et je me suis immédiatement organisé:
organiser avec ma femme son réseau de soutien, organiser MON propre réseau de
soutien, organiser ma délégation, surtout ne pas penser que je
"saurai" et pourrai tout faire. Non, un aidant ne peut pas tout
faire, mais bien organisé, oui, on peut aider son conjoint ET continuer sa vie
professionnelle, sa vie de famille, ses activités même réduites.
Il ne faut
pas se leurrer: émotionnellement, le cancer fait peur, il fait peur à celui ou
celle qui en est atteint, il fait peur à soi, aux autres, et il faut avoir un
réseau solide d'amis mis dans la boucle dès le début pour qu'ils restent avec
vous.
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