12 septembre 2019

Aidante: Et après?

     Le 20 Août dernier, mon amoureux est mort

     Et après, il se passe quoi?

     - On prend le temps de prévenir tout le monde, famille, amis proches et éloignés
     Conseil: Déléguez le plus possible cette douloureuse tâche, ce qui vous évitera de devoir répéter la même histoire à l'infini et de revivre autant de fois ces moments pénibles

     - On organise les funérailles 
     Conseil: Si vous le pouvez, faites vous accompagner par un proche. Il n'y a rien de pire que de devoir choisir la couleur d'un cercueil quand on tenait encore hier la main de celui qui y prendra place.  

     La première semaine, on est pris dans un tourbillon, entre les messages, les appels téléphoniques, les gentils mots de soutien, les encouragements, tout ça vous porte. Durant ces journées, ô combien chargées d'émotion, j'avais l'impression de baigner dans un océan de miel tant j'ai été entourée d'amour et de compassion. Chacun avait eu à cœur de ne pas me laisser seule un instant, afin que l'absence de mon compagnon ne se fasse pas trop sentir, les coups de téléphone s’enchaînaient et les invitations pleuvaient.


15 mars 2019

Je ne suis pas une héroïne

     Trop souvent, je lis des articles qui présentent les aidants comme des "héros du quotidien", voire des "héros fatigués".

Personnellement, je ne me reconnais pas dans cette appellation. 
Un héros (ou une héroïne) est "Celui ou celle qui se distingue par ses exploits ou un courage extraordinaire"
C'est un exploit d'aider un proche âgé ou en perte d'autonomie? 

     Si la société était plus inclusive et accessible, si elle ne méprisait pas autant les personnes en situation de handicap ou celles que l'âge rend moins autonomes, les "héros" seraient certainement moins fatigués. 
Parce qu'en vrai ce qui nous fatigue vraiment, ce sont tous ces obstacles que la société place sur notre chemin: les formalités administratives, ces dossiers de 30 pages à remplir tous les 5 ans, ces demandes incessantes d'augmentation des plans d'aides, parce que l'aggravation de la dépendance de notre proche le nécessite, ou bien parce que le temps que la demande aboutisse, notre proche âgé a vu son autonomie se réduire encore. Devoir se battre contre l'hôpital, encore trop peu accessible, les salles d'examens exiguës, les tables sur lesquelles il faut monter à l'aide d'un marchepied (c'est pas comme si les tables d'examen électriques n'existaient pas, miraculeusement, l'hôpital n'en possède pas, ou peu) ce fatalisme médical qui fait qu'une personne souffrant de handicap sera moins bien soignée, (voire pas soignée du tout), qu'une personne valide. Les ambulanciers qui nous "oublient", les administrations pas ou trop peu accessibles, la société qui accepte difficilement les troubles mineurs du comportement d'un proche âgé ou dément. (Oui le monsieur bave, c'est pas grave, ça attendrit ta mère quand c'est ton petit frère, étrangement ça la répugne quand c'est un adulte), les restaurants dont les toilettes sont au sous-sol, accessibles par un escalier en colimaçon que même moi, valide, j'ai du mal à descendre, les voitures garées sur le trottoir, les places de parkings occupées (j'en ai pour 5 minutes), bref quand une sortie devient une épreuve digne de Koh Lanta.. Toutes ces petites choses auxquelles on ne pense pas quand on n'est pas en situation, ça, ça nous fatigue vraiment. Ça nous fatigue et ça nous isole parce qu'on hésite à sortir, sauf quand c'est vraiment nécessaire.
Bref, si la société et ceux qui en ont le pouvoir ne plaçaient pas sadiquement, autant de bâtons dans les roues des fauteuils de nos proches, s'ils ne semaient pas autant de cailloux, rochers ou obstacles sur nos chemins d'aidance, les héros seraient assurément moins fatigués. 
      
     Je comprends parfaitement que l'on veuille rendre hommage à l'apport, tant collectif qu'individuel, des 11 millions d'aidants, que ce soit vis à vis de leur proche, de leur famille ou vis à vis de la société, mais pourquoi les dépeindre en tant que "héros"?
Un héros est un modèle, une personne extraordinaire, qui fait des choses extraordinaires. Moi, chaque matin, je n'enfile pas un collant, je ne met pas une cape sur mes épaules , je ne branche pas ma vision bionique (ou je ne sais quel super-pouvoir) et ma seule potion magique c'est une tasse de café bien noir. 

       Le risque, quand on héroïse une personne, c'est de la pousser dans ses derniers retranchements quand elle se sent fatiguée ou isolée. 
Quel héros digne de ce nom appelle à l'aide? Aucun
Quel héros baisse les bras, abandonne? A-t-on déjà vu un héros échouer? Héroïser les aidants, c'est les placer à un endroit inaccessible pour le commun des mortels (parce que oui, les héros sont aussi des demi-dieux), et les y laisser, seuls, puisque le commun des mortels ne possède aucun des merveilleux attributs dont on pare ces "héros-aidants" (ou ces "aidants-héros")

     Le risque accru, c'est de faire naître le "Syndrome du sauveur" ce héros tragique qui a autant besoin de sauver les autres que de se sauver lui-même.

     Héroïser les aidants c'est aussi leur faire l'injonction de se sacrifier pour leur proche. Sacrifier leur travail, leur santé, leur énergie, leur vie de famille, leurs finances. Les héros ne sont jamais malades, c'est bien connu, ils ne se plaignent jamais non plus. 

      Et puis c'est un peu facile aussi de leur attribuer ce statut quasi divin: C’est aussi leur dire "Toi, tu es quelqu'un de tellement extraordinaire, que jamais je ne pourrais faire aussi bien que toi" Et c'est comme ça qu'on se sort à bon compte d'une situation où chacun aurait pu s'investir personnellement. 

     Et cette façon de nous admirer quand on aide un proche... Cette façon de nous dire "Ohlala à ta place, moi, je ne pourrais pas, quel courage tu as..." (j'en parlais déjà ICI et c'est toujours d'actualité) Quelqu'un se rend compte à quel point il fait passer le proche-aidé pour un boulet? Parce que la maladie ou l'âge le rend moins valide et lui fait perdre de son autonomie, devrait-il perdre aussi de son humanité? Quand tu as besoin d'aide tu n'es plus tout à fait humain? La fraternité ne s'applique plus à toi? 
Et surtout, surtout, évitez de le dire DEVANT le proche-aidé. Vous accentuez le poids de sa dépendance. Vous n'imaginez pas comme ça peut être violent.

     Un peu de réalisme! Les héros on les admire, on les isole, on les place à des endroits qu'on ne peut pas atteindre, mais on ne les aide pas. 
     
     Je ne suis pas une héroïne. je ne met un collant que sous une jupe en hiver, je ne porte une cape que quand il fait froid et mes lunettes sont parfaitement ordinaires. 
     Je ne suis pas une héroïne, je suis une femme ordinaire, je pourrais être votre sœur ou votre voisine, une femme dont la vie a pris un sacré tournant en 2011. J'ai comme tout le monde mes failles, mes faiblesses, mes jours avec et mes jours sans, et si vous me décrivez comme une héroïne, vous me niez le droit de me sentir fatiguée, de me sentir seule, d'être malade mais surtout vous me niez le droit d'exprimer mes difficultés. 
     je ne suis pas une héroïne et mon proche n'est pas un boulet, une charge ou un fardeau. C'est notre situation qui est un fardeau. Et si la société ne peut pas lui greffer un cerveau neuf, elle pourrait au moins nous alléger sensiblement le quotidien. 

     Commencez donc par nous regarder autrement!!! 















4 avril 2018

C'est le printemps






   
         C’est le printemps. Avec ses petites fleurs, son soleil timide, ses promesses de beau temps et ses étudiants en fin de parcours. Des étudiants qui écument les forums et les groupes d’aidants sur Facebook, posent leur petite annonce, laissent le lien vers un questionnaire ou leur adresse mail et repartent. Je n’ai jamais connu une catégorie de personnes autant sondée, questionnée, étudiée, décortiquée et pourtant à ce point incomprise. Je suis aidante. Pas rat de laboratoire.

         Cela fait 7 ans que j’écume internet, ses forums, ses réseaux sociaux et leurs groupes. En 7 ans, j’en ai vu passer des étudiants. J’en ai lu des sujets, des questionnaires et des demandes d’entretiens.
          
           Mesdames et messieurs les étudiants, s’il y a bien une caractéristique commune qui vous unit c’est votre manque cruel d’originalité. Tant par la cible de vos mémoires que par le sujet. Sans parler de votre façon de venir vous présenter, poser votre message et disparaitre. Sans jamais revenir. Ni partager avec nous le fruit de vos recherches. Nous sommes vos sujets d’études. Des sujets que vous espérez compliants, consentants, dociles, et surtout qui ne viennent jamais vous réclamer des comptes. A-t-on déjà vu une souris venir lire par-dessus l’épaule du doctorant les conclusions de son mémoire ? Et surtout, l’a-t-on déjà entendu émettre un avis sur la question ? Parce que malgré mes demandes, jamais un étudiant n’est revenu nous donner des nouvelles, sans même parler de nous faire lire ses conclusions.

        Compliants, consentants, dociles mais surtout corvéables à merci.
La plupart d’entre nous sont bénévoles. C’est justement la base de notre investissement et notre caractéristique sociologique : nous sommes une catégorie de personnes sur laquelle la société toute entière se repose, grâce à laquelle le système de santé tient encore debout, qui assure la cohésion de la cellule familiale et le lien trans-générationnel, non reconnue (ou si peu), non rétribuée, à peine dédommagée, et il faudrait en plus que nous donnions de notre temps afin de répondre à vos questions, sans même savoir à quoi ce travail mènera, quelles seront vos conclusions à notre sujet, quelles seraient vos suggestions nous concernant, ce que vous, à votre niveau d’élèves ou de futurs professionnels vous avez essayé de mettre en place, ce que vous auriez aimé faire de plus, de mieux, de différent ? Nous, aidants, donnons de notre temps à nos proches, donnons de notre énergie à la société, nous faisons de nombreux cadeaux à l’économie nationale, et il faut encore que bien contents, nous donnions des réponses à vos questionnaires, sans aucune contrepartie ? Sans partage ni échange ? Vous posez les questions, nous y répondons, bien heureux d’être le centre de tant d’intérêt ? Est-ce cela, la base de la reconnaissance que nous sommes en droit d’attendre ?

         Quelle sorte de professionnels comptez-vous devenir ? Ceux qui savent face à ceux qui reçoivent le savoir ? J’ai eu cet après-midi un échange avec une étudiante venue déposer son annonce assortie de son adresse mail dans un groupe d’aidants. Comme je lui faisais part de ma lassitude que le sujet traite encore une fois des aidants d’un proche souffrant de la maladie d’Alzheimer, et que je craignais que cette redondance dans les sujets exploités ne contribue à invisibiliser les autres catégories d’aidants, l’étudiante en question n’a pas eu l’air d’apprécier mon intervention et après échange de commentaires a purement et simplement retiré sa demande. C’est bien dommage ce type de réaction. Quelle professionnelle de l’accompagnement ou du soin (elle n’avait pas précisé son cursus dans son message, ni le diplôme visé) deviendra cette jeune femme, si déjà, elle n’est pas capable d’être à l’écoute de la moindre observation de la part du public qu’elle compte étudier et avec lequel elle sera amenée à travailler plus tard ? Elle possède un savoir théorique, qui n’est rien sans le savoir pratique que nous pouvions lui apporter. Nous sommes experts de nos situations, la plupart d’entre nous, à force de les expliquer sommes capables de connaitre les failles de notre organisation, nous sommes capables de définir nous-mêmes nos besoins, que ce soit en terme d’aide, de répit ou de formation.  Croyez-moi, la plupart d’entre nous ont eu le temps de faire le tour de la question. Cet échange unilatéral de connaissances, cette absence de désir d’en apprendre plus de l’autre, cette absence d’écoute de ses suggestions ne cesse de m’interroger sur nos relations futures.

                  Vous qui aujourd’hui passez vos examens et présentez vos mémoires de fin d’études,  vous êtes les travailleurs sociaux, les accompagnants de demain. Et nous, aidants d’aujourd’hui, nous serons encore là demain, fidèles au poste. Avec ou sans vous, avec ou sans votre aide, avec ou sans votre écoute, avec ou sans votre reconnaissance,  nous serons encore là, auprès de nos aidés. Votre rôle sera de nous faciliter la tâche, de nous informer et nous guider dans le dédale administratif pour certains. Pour d’autres, votre aide sera différente, mais quel que soit le poste occupé, quel que soit votre rôle dans nos parcours, n’oubliez pas de rester à l’écoute. Dans ce que nous disons, il n’y a pas que des questions ou des plaintes. Il y a aussi des idées, des suggestions, des ressources dont il serait dommage de faire l’économie. Nous, aidants, sommes habitués au partage. Nous partageons déjà notre temps, notre énergie, nous pouvons aussi partager nos idées. Tout le monde y gagnera.





7 juin 2017

Les dix petites phrases malheureuses à ne pas dire à un aidant


Ou
Le manuel du savoir vivre en compagnie d’un aidant

1ère Partie


Tout aidant, à l’évocation de sa situation, a forcément entendu un de ces petites phrases ou questions malheureuses.
En voici déjà 5 (les 5 autres suivront très bientôt)


18 mai 2016

URGENCES



     14 juillet 2013, on a débarqué aux urgences, Bonhomme, Hortense et moi.
Je ne sais pas pour qui c’était le plus urgent. Pour moi surement. Je ne suis pas une assidue de l’hôpital, des urgences encore moins. Nos derniers passages étaient justifiés.
Convulsions, épilepsie, rétention urinaire >15 heures, plaie ouverte… les motifs sérieux n’ont pas manqué.


30 avril 2016

Les injonctions paradoxales



     « L’injonction paradoxale ou double contrainte exprime deux contraintes qui s’opposent : l’obligation de chacune contenant l’interdiction de l’autre »

     Une double contrainte c’est ce que je ressens depuis longtemps sans pouvoir l’exprimer clairement. Et puis un soir ça m’est venu, j’ai compris cette double injonction et son paradoxe.

9 février 2016

La déception


« Madame;

C'est avec beaucoup d'émotion que je vous fais part de ma décision de décliner l'invitation de Mme Rossignol à cette rencontre. En effet, malgré toutes mes recherches aucune solution de remplacement auprès de mon compagnon ne s'est avérée pérenne. J'ai fait beaucoup d'essais, avec beaucoup de personnes, il m'a été impossible de trouver quelqu'un de confiance acceptant son handicap et surtout ses troubles du comportement. On touche là d'ailleurs les limites de la prise en charge du grand handicap à domicile. Le SSIAD qui nous suit depuis trois ans avait accepté de passer le matin et le soir pour les soins, et je comptais sur deux personnes pour les repas et assurer une présence et/ou une surveillance. Malheureusement, ces personnes ce sont désistées progressivement devant la lourdeur de la mission (mission que j'assure seule sans faille depuis plus de 4 ans désormais...).
De plus, venant de loin, il m'aurait été impossible de rester au delà de 19h ce qui aurait été dommage, faire autant de kilomètres et mettre autant de ressources en place pour 2 heures d'entrevue, au delà du bilan carbone désastreux, aurait été déraisonnable.

Je vous remercie toutefois de votre attention à mon égard, je suis désolée de ma défection tardive, j'ai essayé jusqu'au dernier moment de trouver la perle rare de confiance, sans la trouver. »


14 janvier 2016

Le jour où j'ai dit NON




       Il faut que j’en parle. Il faut que je le dise. Pas vraiment pour témoigner. Pas vraiment non plus pour servir d’exemple. Mais il faut que je le dise, pour moi, pour LUI, pour nous. Parce que c’est sans doute la pire expérience médicale que j’aie eu à vivre ces quatre dernières années. La plus humiliante aussi et paradoxalement, à terme la meilleure des décisions que j’ai prise.

10 janvier 2016

Aider c'est apporter de la joie

       Selon sa racine latine, "aider c’est apporter de la joie" nous explique le linguiste Alain Rey. Oui, nous, aidants, apportons de la joie à nos proches. La joie qu’ils ont de ne pas finir leurs jours dans la solitude, de ne pas se sentir abandonnés, la joie de leur main dans la nôtre, la joie d’exister encore dans nos regards, d’être considérés, de ne pas perdre l’estime d’eux-mêmes dans ce don de soi à l’autre.

1 janvier 2016

Bonne Année 2016



   Nous avons cette année 366 jours pour changer le regard de la société sur les aidants. Quelle chance!!!

   Je nous souhaite de trouver la force de continuer chaque jour à prendre soin de nos proches, la patience pour supporter tous les aléas de nos vies bousculées, un peu de sérénité au quotidien, du temps libre pour reprendre le contrôle de nos vies et prendre soin de nous et surtout assez de clairvoyance pour savoir dire stop quand il le faut.


22 septembre 2015

Lettre à l'Association Française des Aidants

Chère Association Française des Aidants


     Si je t’écris aujourd’hui c’est parce que ton tweet de l’autre jour m’a pas mal chahutée. Reprenons les faits si tu le veux bien :
Le 29 aout dernier, un samedi,  à 12h50 tu twittais :

     « les #aidants ne sont pas des soignants mais des conjoints, des parents, des enfants »

     C’était je crois dans le cadre de l’Université d’été de l’ANAP, les débats portant sur la contribution des usagers et des citoyens à la performance de notre système de santé. Belle idée la performance, dans l’air du temps. Performance et rentabilité devenues par force les mamelles d’une société dans la tourmente d’une crise financière mondiale.  En faire plus avec le moins de moyens possible, optimiser le temps, rentabiliser l’humain. La santé c’est bien connu n’a pas de prix mais elle a un coût, et la société exige de ses membres qu’ils soient tous performants, rentables et en bonne santé. Mais on s’éloigne du sujet. A ton tweet lapidaire j’ai répondu par un autre tweet, non moins lapidaire :

     « Pas soignants mais plus que conjoints, parents ou enfants : des #aidants quoi !!! »

     La colère ne transparaît pas dans un message de 140 caractères, à moins de l’écrire en majuscules ou d’y adjoindre force émoticônes, mais j’ai passé l’âge des smileys, et j’aime la sobriété, alors je me suis contentée de ces trois points d’exclamation. Mais quand même, j’étais en colère alors je développe, ici, chez moi, dans ce qui est devenu MON espace. Laisse-moi t’expliquer chère Association ce que ton tweet a déclenché chez moi et pourquoi.  

6 mai 2015

Guide du voyageur en Hortensie




       Salut, toi, voyageur aventureux. Que tu sois intrépide ou inconscient, voici pour toi un petit manuel de survie en territoire hostile. Tu as dans ton entourage un membre de la famille ou un ami qui commence à voyager dans sa tête et tu souhaites l’accompagner dans cette périlleuse aventure ? Tu vas devoir pour cela être imaginatif, tolérant, endurant et posséder un solide sens de l’humour.

       Tu vas devoir dans un premier temps oublier tout ce que l’on a pu te dire sur ce pays si étrange. Aucune expérience n’est identique, aucun voyage ne part du même endroit, ne traverse les mêmes contrées ni se termine de la même façon.

26 avril 2015

Tomber encore, se relever toujours



 


Il a baissé les bras, moi pas. C’est mon rôle de ne pas baisser les bras, de les garder forts, serrés autours de lui. Pour le protéger des autres, le protéger de lui aussi.


Tomber encore, se relever toujours

Il s’est relevé. Il a recommencé à rire et à danser. Doucement, prudemment. Il se plaint encore un peu, pour la forme, pas perdre l’habitude. Mais il ne pleure plus.

Tomber encore, se relever toujours

Pour les soins il faut l’apprivoiser, et recommencer. Lui demander si on peut, et puis recommencer. Lui expliquer ce qu’on allait faire, et puis recommencer. S’assurer qu’il comprenait, qu’il adhérait, qu’il coopérerait et puis le lendemain… recommencer

Tomber encore, se relever toujours

On s’est organisé autrement, on s’est recentré sur nous. On n’a écouté personne. On a éteint la télé. On a mis la musique. On a supprimé les mots, les paroles. On a écouté nos instincts, la parole des corps.


22 avril 2015

le voyage


Enfin !
Prête pour le départ !

Les portes ne sont pas encore ouvertes. J’ai hâte de pouvoir monter. Ca fait si longtemps que j’attends ce moment.

Les jeunes d’aujourd’hui sont impatients à l’approche de leurs vacances, qu’ils prennent pourtant régulièrement : « Je suis fatigué, je travaille trop » «  j’ai une mauvaise tête »… 
Et moi, qu’est-ce que je devrais dire…. Je ne me souviens pas de mes dernières vacances.

J’ai froid. J’ai un châle sur mes épaules. J’espère que là-bas, il fera bon.
Je suppose que oui, je ne connais personne qui n’ait pu me raconter son voyage.

J’ai hâte de revoir Papa, Maman et mon Paul bien sûr. J’espère qu’ils vont bien, il n’y a pas encore le téléphone là-bas. Alors l’image a l’écran, comme avec mes petits enfants, ce n’est pas pour demain.

16 avril 2015

Lettre à la production de l'émission "Toute une histoire"



Mi-avril, la production de l'émission "Toute une Histoire" lançait un appel à témoins destiné aux conjoints de personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer.
Suite à cet appel, nous avons collectivement écrit une lettre à la production de l'émission afin de lui faire part des réactions qu'il a suscitées.



  Madame ;


      C’est dans le cadre de l’appel à témoins sur les conjoints de malades souffrant de la maladie d’Alzheimer que je vous réponds. Je fais partie d’un groupe d’aidants et nous échangeons sur un forum sur les différentes thématiques concernant les aidants dits naturels. Or votre présentation nous a émus et a suscité bon nombre de réactions dans notre communauté.

     Tout d’abord nous tenons à vous remercier de nous donner aussi régulièrement la parole. Nous sommes en France 8.5 millions d’aidants et nous souffrons de l’invisibilité dans laquelle nous maintiennent les pouvoirs publics et les médias. Nous reconnaître collectivement n’est pas seulement un acte citoyen ou solidaire mais c’est aider ceux qui récemment concernés par la problématique, peinent à s’identifier comme tels, et restent isolés et peu informés. Des dispositifs existent, alors que les  aides et les solutions restent sous-utilisées par manque de connaissance du public concerné.
Nous suivons régulièrement vos émissions  et savons qu’elles rencontrent une large audience. Ces derniers mois nous avons noté que vous aviez invité sur votre plateau des familles qui se sont occupées d’un proche malade. Or à aucun moment, n’a été prononcé le terme d’AIDANT. C’est sous cette dénomination commune que nous nous reconnaissons. Pas seulement fils, fille ou conjoint de.. mais AIDANTS de… Sans cette dénomination commune point de reconnaissance, c’est un fait établi. Or trop souvent, les aidants tardent à s’identifier et s’isolent ou courent à l’épuisement. S’ensuit alors une cascade de réactions en chaîne, conduisant le plus souvent à l’entrée en institution du proche aidé, alors qu’avec un soutien adapté et une prise en charge globale, cette institutionnalisation aurait pu être évitée ou au moins différée.

8 avril 2015

J'ai froid!!!

       « Ha mais la sale nuit !!! 3ème café, 2ème clope avant 7h… Dis, tu la sens la mauvaise journée? »  
    J’ai commencé la journée comme ça, par un tweet.

    Réveillée toutes les 1h20, soit 80 petites minutes, la sale nuit quoi...

    Il est assis sur le canapé et se plaint en boucle :
      - J’ai froid 
    Avec le temps j’ai compris que le « J’ai froid » est un terme générique mis pour toute sensation désagréable. Faim, soif, douleur, anxiété, peur du rien, ce temps mort où rien ne se passe pour lui et que je tente de meubler comme je peux. Il se plaint et je ne sais pas pourquoi. Je ne sais pas ce qu’il a et c’est déroutant. Je l’aide à enfiler un gilet: froid -->, c’est bon. Direction la cuisine. Le café au lait, le porridge au micro-onde:  faim et soif --> en cours.  Je donne à manger aux chats avant qu’ils ne réclament. Splouch… Je viens de voir le gilet sortir du salon, sans mon bonhomme dedans. Ok, il n’a pas froid. J’aurais essayé. De toute façon, depuis près d’un mois, je participe dangereusement au réchauffement climatique en laissant le chauffage allumé. Je ne devrais pas, je sais, mais il ne supporte plus un vêtement sur le dos et se balade torse nu. Alors on chauffe encore…


31 mars 2015

24 heures dans la vie d'un aidant

Je suis l’aidant familial de mes parents
Voici 24 heures de mon quotidien



Pour simplifier, j'appellerai mon père Pa et ma mère Ma

Je suis tout juste rémunéré au minimum légal grâce aux 2 APA. Le jour ou l'un des deux partira, le salaire sera divisé par 2, pour quasiment le même travail, sur la même durée.

Pour certains, je n’ai pas à me plaindre, car je suis payé à rester chez moi et je n'ai pas besoin de vacances (??) « Ha ! 2 années sans avoir pris ne serait-ce qu’une semaine… ( ??) »

Ma est beaucoup plus dépendante, plus fragile et 10000 fois plus câline que Pa
Vous remarquerez donc, une attention plus soutenue de ma part avec Ma. « Oui Sigmund, je sais ! »
Cela ne change rien à l'amour et mon attention envers Pa. Il le sait et s'en contente royalement. 

Au menu  :
Maladies neurodégénératives, cancer cutané, cancer lymphatique, manque d'équilibre, diabète, hyper-tension,  plus de 40 ans d'acouphènes et grand âge.



26 janvier 2015

Kat et le lutin


                    


Un lutin farceur ayant élu domicile
Dans la caboche de Kat, quelle tuile!!!
Gâchant une journée qu'elle espérait féconde
Ce qui l'enrageait et la rendait furibonde
 
Puisque de Facebook, elle n'obtenait aucun secours
Que des câlins, des bizoux et des mamours
Ce qui est agréable quand l'humeur n'est pas à la fête
Mais fort peu suffisant quand on a mal à la tête

Réclamant à grands cris une hache et son bourreau
Afin qu'on l'étêtât illico presto
Elle reçut l'offre d'une tronçonneuse
Qu'une amie compatissante mais d'humeur farceuse
Mettait à sa disposition
En guise d'extrême-onction
Mais elle dût refuser le cadeau
"Mes voisins vont grimper aux rideaux"
Se dit-elle préférant une manœuvre
Plus simple à mettre en œuvre
Plus rapide et surtout moins définitive
Qu'une tronçonneuse, puisqu'elle était rétive
A la moindre tâche de sang ou salissure
Ne voulant aucune éclaboussure


18 janvier 2015

Hortense, magellan et les extra-terrestres

  

   "Il passe un cap" a dit le médecin. Magellan a largué les amarres, Hortense a gardé la boussole mais c'est moi qui suis perdue.

Mais où on va là? Pour combien de temps? Je ne reconnais rien de ce que je sais de la démence. A chaque réveil il est perdu et tout est à recommencer. Plus d'automatismes, rien, une page vierge. Tout l'agresse, chaque bruit, même le plus familier, est hostile. La moindre caresse lui est douloureuse. Chaque geste du quotidien est à réexpliquer, calmement, à voix basse, avec peu de mots, bannir les longues phrases, expliquer ce que l'on va faire, geste après geste, pas à pas. Capter dans son regard l'assentiment, la compréhension ou à défaut la présence. Obtenir sa coopération devient illusoire, il ne maitrise plus ce corps qui devient un ennemi encombrant, mais s'oppose quand on devient trop directif. Chaque acte, même le plus banal, peut déraper en une fraction de seconde et tout est à refaire. Il peut me hurler dessus et la minute d'après me prendre dans ses bras et me remercier comme si je venais de le sauver de je ne sais quelle noyade.

Ô mon beau Magellan, dans quelle mer lointaine t'aventures-tu?
Et après ce cap, quel écueils nous attendent? 


Je suis perdue
Il est perdu
Nous sommes perdus
.
.
.
Tout est perdu.....

21 novembre 2014

Vous savez quoi? J'en ai marre...

Un billet d'humeur publié en novembre 2014 dans le cadre des 1ères rencontres francophones sur le répit des aidants.
repris ici, ici et ici 



      Vous savez quoi ? J’en ai marre. Marre de tous ces grands théoriciens du «care», marre de ces rencontres, colloques, tables rondes, débats. Fatiguée de lire ces programmes creux, ces comptes rendus stériles. Fatiguée d’entendre parler DE moi sans qu’à aucun moment on ne m’ait parlé A moi. A aucun moment je ne me suis reconnue dans aucun des portraits qui sont faits des aidants. A aucun moment je ne me suis sentie concernée par aucune des solutions de répit proposées.