A l'occasion de la Journée Mondiale contre le Cancer 2014, Jean-Louis publiait ici son témoignage d'aidant:
Je suis un
récidiviste, donc ça aide. Il y a 15 ans, j'ai accompagné ma première femme
jusqu'à son dernier voyage. A l'époque, je ne savais rien du mot
"aidant", ce que suppose d'être l'aidant de son conjoint malade du
cancer, et ce que cela pouvait impliquer.
Quand ma
seconde femme a été diagnostiquée du cancer, il y a six mois, je n'ai ressenti
aucune peur, j'ai pensé à elle ET à moi, et je me suis immédiatement organisé:
organiser avec ma femme son réseau de soutien, organiser MON propre réseau de
soutien, organiser ma délégation, surtout ne pas penser que je
"saurai" et pourrai tout faire. Non, un aidant ne peut pas tout
faire, mais bien organisé, oui, on peut aider son conjoint ET continuer sa vie
professionnelle, sa vie de famille, ses activités même réduites.
Il ne faut
pas se leurrer: émotionnellement, le cancer fait peur, il fait peur à celui ou
celle qui en est atteint, il fait peur à soi, aux autres, et il faut avoir un
réseau solide d'amis mis dans la boucle dès le début pour qu'ils restent avec
vous.
En
pratique, le cancer prend énormément de temps à l'aidant: les temps de
recherches sur l'ordinateur, les préparations des rendez-vous médicaux, la liste
des questions à poser, les rendez-vous avec les médecins, les
heures de chimiothérapie, de radiothérapie, à l'hôpital avant et après
l'opération, les heures à passer les coups de fil aux proches, à les rassurer,
à leur dire ce qu'il se passe, les heures à passer auprès de son conjoint au
moment où la faiblesse physique ou le moral en baisse l'exigent, l'écriture des
consignes quand on délègue et l'explication de ces consignes de vive voix. Il y
a aussi les heures à consacrer pour l'intendance, le ménage, la lessive, les
courses, tout ce que faisait votre conjoint et qu'il ne peut plus faire...
Cette
fois-ci, j'ai noté jour après jour le temps que je passais en tant qu'aidant:
après six mois dans ce parcours, je suis à une moyenne de trois heures chaque
jour, 7j/7, consacrées à ma femme. Et je suis un aidant "organisé": je
me fais remplacer pour différentes tâches ou présence, sinon je pense que
j'arriverai à quatre ou cinq heures en moyenne par jour...
Puisque
nous célébrons le 4 février la Journée Mondiale du Cancer, je propose qu'elle
célèbre aussi les aidants, le conjoint, le fils ou la fille, la mère ou le père
de la personne atteinte du cancer. Et qu'au moins ce jour-là, juste un jour
mais au moins un jour, les aidants soient mis en avant AVEC leur proche atteint
du cancer, car battre le cancer est un combat à plusieurs, c'est le combat
d'une équipe où l'aidant joue un rôle clé.
Je l'ai
dit, je suis un récidiviste, alors j'ai bien écouté le généraliste de ma femme
lui annonçant le diagnostic du cancer: pas un mot pour moi, tout lui était
adressé. Je n'étais pas englobé dans cette annonce et l'affirmation de ce
généraliste que tout irait bien même si cela "allait être dur-dur pendant
les six ou neuf prochains mois"... J'ai écouté le chirurgien, un médecin
remarquable, parler et rassurer ma femme, mais toujours pas un mot pour moi...
J'ai écouté
l'oncologue -et l'écoute encore- parler avec ma femme, et toujours pas un seul
mot pour moi... Le summum, ce fut lors d'un rendez-vous avec une
psycho-oncologue que ma femme et moi sommes allés voir sur ma suggestion:
"Allons la voir, rien à perdre, mais je voudrais voir comment elle parle
avec nous deux de la perte de tes cheveux, de ton souhait toujours intact de
séduction, de la vision d'un homme amoureux qui voit sa femme comme il a envie
de la voir...
Ma femme
prend rendez-vous, ne pense pas à préciser que nous serons là tous les deux,
puisque cette question ne lui est pas posée par l'assistante. Je ne suis pas
près d'oublier la peur dans les yeux de la psycho-oncologue quand elle a ouvert
sa porte et nous a vus tous les deux devant elle... Ce n'était pas de
l'étonnement dans ses yeux, ce que j'ai vu était bien de la peur.
La
demi-heure passée ensuite avec cette psychologue "spécialisée" a été
conforme à l'attitude de la grande majorité du corps médical: le patient à
soigner et aider est la personne atteinte du cancer, l'aidant n'est pas pris en
compte. Pourquoi cette psychologue ne m'a-t-elle pas proposé, au
cours ou à la fin de l'entretien, d'en faire un nouveau, cette fois-ci axé sur
mon rôle d'aidant, mes difficultés et mes réussites, et comment ma femme
pouvait m'aider dans mon rôle d'aidant? Mystère!
On ne dit
pas assez que la maladie d'Alzheimer et le cancer sont les deux pathologies qui
provoquent le plus de stress et de risques de santé aux aidants. Deux
pathologies de dépendance si différentes, et pourtant qui provoquent au final
le même type de pressions mentales et physiques sur l'aidant.
Je
feuilletais lors de la dernière chimio de ma femme un numéro de « Rose Magazine »,
un journal remarquable pour les personnes atteintes du cancer mais aussi pour
celles qui ne le sont pas, pour comprendre un peu mieux cette maladie et
l'apprivoiser un peu. Et je me suis fait la réflexion: "Pas un mot sur les
aidants..."
Pour mes
350 000 compagnons de route qui viennent de découvrir ou vont
découvrir leur nouvelle mission cette année, je conseille deux brochures que je
trouve utiles: celle de la Ligue contre le Cancer:
"Comment accompagner un proche atteint du cancer? et celle de l'Institut du Cancer -"
Vivre auprès d'une personne atteinte d'un cancer".
Allons,
célébrons le 4 février et espérons que les associations qui luttent contre le
cancer mettront de plus en plus en avant les aidants!
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