22 septembre 2015

Lettre à l'Association Française des Aidants

Chère Association Française des Aidants


     Si je t’écris aujourd’hui c’est parce que ton tweet de l’autre jour m’a pas mal chahutée. Reprenons les faits si tu le veux bien :
Le 29 aout dernier, un samedi,  à 12h50 tu twittais :

     « les #aidants ne sont pas des soignants mais des conjoints, des parents, des enfants »

     C’était je crois dans le cadre de l’Université d’été de l’ANAP, les débats portant sur la contribution des usagers et des citoyens à la performance de notre système de santé. Belle idée la performance, dans l’air du temps. Performance et rentabilité devenues par force les mamelles d’une société dans la tourmente d’une crise financière mondiale.  En faire plus avec le moins de moyens possible, optimiser le temps, rentabiliser l’humain. La santé c’est bien connu n’a pas de prix mais elle a un coût, et la société exige de ses membres qu’ils soient tous performants, rentables et en bonne santé. Mais on s’éloigne du sujet. A ton tweet lapidaire j’ai répondu par un autre tweet, non moins lapidaire :

     « Pas soignants mais plus que conjoints, parents ou enfants : des #aidants quoi !!! »

     La colère ne transparaît pas dans un message de 140 caractères, à moins de l’écrire en majuscules ou d’y adjoindre force émoticônes, mais j’ai passé l’âge des smileys, et j’aime la sobriété, alors je me suis contentée de ces trois points d’exclamation. Mais quand même, j’étais en colère alors je développe, ici, chez moi, dans ce qui est devenu MON espace. Laisse-moi t’expliquer chère Association ce que ton tweet a déclenché chez moi et pourquoi.  

6 mai 2015

Guide du voyageur en Hortensie




       Salut, toi, voyageur aventureux. Que tu sois intrépide ou inconscient, voici pour toi un petit manuel de survie en territoire hostile. Tu as dans ton entourage un membre de la famille ou un ami qui commence à voyager dans sa tête et tu souhaites l’accompagner dans cette périlleuse aventure ? Tu vas devoir pour cela être imaginatif, tolérant, endurant et posséder un solide sens de l’humour.

       Tu vas devoir dans un premier temps oublier tout ce que l’on a pu te dire sur ce pays si étrange. Aucune expérience n’est identique, aucun voyage ne part du même endroit, ne traverse les mêmes contrées ni se termine de la même façon.

26 avril 2015

Tomber encore, se relever toujours



 


Il a baissé les bras, moi pas. C’est mon rôle de ne pas baisser les bras, de les garder forts, serrés autours de lui. Pour le protéger des autres, le protéger de lui aussi.


Tomber encore, se relever toujours

Il s’est relevé. Il a recommencé à rire et à danser. Doucement, prudemment. Il se plaint encore un peu, pour la forme, pas perdre l’habitude. Mais il ne pleure plus.

Tomber encore, se relever toujours

Pour les soins il faut l’apprivoiser, et recommencer. Lui demander si on peut, et puis recommencer. Lui expliquer ce qu’on allait faire, et puis recommencer. S’assurer qu’il comprenait, qu’il adhérait, qu’il coopérerait et puis le lendemain… recommencer

Tomber encore, se relever toujours

On s’est organisé autrement, on s’est recentré sur nous. On n’a écouté personne. On a éteint la télé. On a mis la musique. On a supprimé les mots, les paroles. On a écouté nos instincts, la parole des corps.


22 avril 2015

le voyage


Enfin !
Prête pour le départ !

Les portes ne sont pas encore ouvertes. J’ai hâte de pouvoir monter. Ca fait si longtemps que j’attends ce moment.

Les jeunes d’aujourd’hui sont impatients à l’approche de leurs vacances, qu’ils prennent pourtant régulièrement : « Je suis fatigué, je travaille trop » «  j’ai une mauvaise tête »… 
Et moi, qu’est-ce que je devrais dire…. Je ne me souviens pas de mes dernières vacances.

J’ai froid. J’ai un châle sur mes épaules. J’espère que là-bas, il fera bon.
Je suppose que oui, je ne connais personne qui n’ait pu me raconter son voyage.

J’ai hâte de revoir Papa, Maman et mon Paul bien sûr. J’espère qu’ils vont bien, il n’y a pas encore le téléphone là-bas. Alors l’image a l’écran, comme avec mes petits enfants, ce n’est pas pour demain.

16 avril 2015

Lettre à la production de l'émission "Toute une histoire"



Mi-avril, la production de l'émission "Toute une Histoire" lançait un appel à témoins destiné aux conjoints de personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer.
Suite à cet appel, nous avons collectivement écrit une lettre à la production de l'émission afin de lui faire part des réactions qu'il a suscitées.



  Madame ;


      C’est dans le cadre de l’appel à témoins sur les conjoints de malades souffrant de la maladie d’Alzheimer que je vous réponds. Je fais partie d’un groupe d’aidants et nous échangeons sur un forum sur les différentes thématiques concernant les aidants dits naturels. Or votre présentation nous a émus et a suscité bon nombre de réactions dans notre communauté.

     Tout d’abord nous tenons à vous remercier de nous donner aussi régulièrement la parole. Nous sommes en France 8.5 millions d’aidants et nous souffrons de l’invisibilité dans laquelle nous maintiennent les pouvoirs publics et les médias. Nous reconnaître collectivement n’est pas seulement un acte citoyen ou solidaire mais c’est aider ceux qui récemment concernés par la problématique, peinent à s’identifier comme tels, et restent isolés et peu informés. Des dispositifs existent, alors que les  aides et les solutions restent sous-utilisées par manque de connaissance du public concerné.
Nous suivons régulièrement vos émissions  et savons qu’elles rencontrent une large audience. Ces derniers mois nous avons noté que vous aviez invité sur votre plateau des familles qui se sont occupées d’un proche malade. Or à aucun moment, n’a été prononcé le terme d’AIDANT. C’est sous cette dénomination commune que nous nous reconnaissons. Pas seulement fils, fille ou conjoint de.. mais AIDANTS de… Sans cette dénomination commune point de reconnaissance, c’est un fait établi. Or trop souvent, les aidants tardent à s’identifier et s’isolent ou courent à l’épuisement. S’ensuit alors une cascade de réactions en chaîne, conduisant le plus souvent à l’entrée en institution du proche aidé, alors qu’avec un soutien adapté et une prise en charge globale, cette institutionnalisation aurait pu être évitée ou au moins différée.

8 avril 2015

J'ai froid!!!

       « Ha mais la sale nuit !!! 3ème café, 2ème clope avant 7h… Dis, tu la sens la mauvaise journée? »  
    J’ai commencé la journée comme ça, par un tweet.

    Réveillée toutes les 1h20, soit 80 petites minutes, la sale nuit quoi...

    Il est assis sur le canapé et se plaint en boucle :
      - J’ai froid 
    Avec le temps j’ai compris que le « J’ai froid » est un terme générique mis pour toute sensation désagréable. Faim, soif, douleur, anxiété, peur du rien, ce temps mort où rien ne se passe pour lui et que je tente de meubler comme je peux. Il se plaint et je ne sais pas pourquoi. Je ne sais pas ce qu’il a et c’est déroutant. Je l’aide à enfiler un gilet: froid -->, c’est bon. Direction la cuisine. Le café au lait, le porridge au micro-onde:  faim et soif --> en cours.  Je donne à manger aux chats avant qu’ils ne réclament. Splouch… Je viens de voir le gilet sortir du salon, sans mon bonhomme dedans. Ok, il n’a pas froid. J’aurais essayé. De toute façon, depuis près d’un mois, je participe dangereusement au réchauffement climatique en laissant le chauffage allumé. Je ne devrais pas, je sais, mais il ne supporte plus un vêtement sur le dos et se balade torse nu. Alors on chauffe encore…


31 mars 2015

24 heures dans la vie d'un aidant

Je suis l’aidant familial de mes parents
Voici 24 heures de mon quotidien



Pour simplifier, j'appellerai mon père Pa et ma mère Ma

Je suis tout juste rémunéré au minimum légal grâce aux 2 APA. Le jour ou l'un des deux partira, le salaire sera divisé par 2, pour quasiment le même travail, sur la même durée.

Pour certains, je n’ai pas à me plaindre, car je suis payé à rester chez moi et je n'ai pas besoin de vacances (??) « Ha ! 2 années sans avoir pris ne serait-ce qu’une semaine… ( ??) »

Ma est beaucoup plus dépendante, plus fragile et 10000 fois plus câline que Pa
Vous remarquerez donc, une attention plus soutenue de ma part avec Ma. « Oui Sigmund, je sais ! »
Cela ne change rien à l'amour et mon attention envers Pa. Il le sait et s'en contente royalement. 

Au menu  :
Maladies neurodégénératives, cancer cutané, cancer lymphatique, manque d'équilibre, diabète, hyper-tension,  plus de 40 ans d'acouphènes et grand âge.



26 janvier 2015

Kat et le lutin


                    


Un lutin farceur ayant élu domicile
Dans la caboche de Kat, quelle tuile!!!
Gâchant une journée qu'elle espérait féconde
Ce qui l'enrageait et la rendait furibonde
 
Puisque de Facebook, elle n'obtenait aucun secours
Que des câlins, des bizoux et des mamours
Ce qui est agréable quand l'humeur n'est pas à la fête
Mais fort peu suffisant quand on a mal à la tête

Réclamant à grands cris une hache et son bourreau
Afin qu'on l'étêtât illico presto
Elle reçut l'offre d'une tronçonneuse
Qu'une amie compatissante mais d'humeur farceuse
Mettait à sa disposition
En guise d'extrême-onction
Mais elle dût refuser le cadeau
"Mes voisins vont grimper aux rideaux"
Se dit-elle préférant une manœuvre
Plus simple à mettre en œuvre
Plus rapide et surtout moins définitive
Qu'une tronçonneuse, puisqu'elle était rétive
A la moindre tâche de sang ou salissure
Ne voulant aucune éclaboussure


18 janvier 2015

Hortense, magellan et les extra-terrestres

  

   "Il passe un cap" a dit le médecin. Magellan a largué les amarres, Hortense a gardé la boussole mais c'est moi qui suis perdue.

Mais où on va là? Pour combien de temps? Je ne reconnais rien de ce que je sais de la démence. A chaque réveil il est perdu et tout est à recommencer. Plus d'automatismes, rien, une page vierge. Tout l'agresse, chaque bruit, même le plus familier, est hostile. La moindre caresse lui est douloureuse. Chaque geste du quotidien est à réexpliquer, calmement, à voix basse, avec peu de mots, bannir les longues phrases, expliquer ce que l'on va faire, geste après geste, pas à pas. Capter dans son regard l'assentiment, la compréhension ou à défaut la présence. Obtenir sa coopération devient illusoire, il ne maitrise plus ce corps qui devient un ennemi encombrant, mais s'oppose quand on devient trop directif. Chaque acte, même le plus banal, peut déraper en une fraction de seconde et tout est à refaire. Il peut me hurler dessus et la minute d'après me prendre dans ses bras et me remercier comme si je venais de le sauver de je ne sais quelle noyade.

Ô mon beau Magellan, dans quelle mer lointaine t'aventures-tu?
Et après ce cap, quel écueils nous attendent? 


Je suis perdue
Il est perdu
Nous sommes perdus
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Tout est perdu.....